mardi 19 juillet 2011

Brasil soul, a Garota d'Ipanema

Olha que coisa mais linda,
Mais cheia de graça.
É ela a menina que vem e que passa,
num doce balanço a caminho do mar.
Moça do corpo dourado do sol de Ipanema,
O seu balançado é mais que um poema,
É a coisa mais linda que eu já vi passar.

Ah, por que estou tão sozinho?
Ah, por que tudo é tão triste?
Ah, a beleza que existe,
A beleza que não é só minha,
Que também passa sozinha.

Ah, se ela soubesse
Que, quando ela passa,
O mundo inteirinho se enche de graça
E fica mais lindo por causa do amor,
Por causa do amor, por causa do amor...

L'arrosoir




De l'avenir tout est dit,
Il se lit sur la paume
De cette main divine qui, le soir
Porte un grand arrosoir.
D'une douceur fluide et généreuse
Cette pomme nous fait grâce. 

Hambourg, Juin 2011

dimanche 17 juillet 2011

Les démons du monde

Il y a d'abord Totoche, le dieu de la bêtise, avec son derrière rouge de singe, sa tête d'intellectuel primaire, son amour éperdu des abstractions ; en 1940, il était le chouchou et le doctrinaire des Allemands ; aujourd'hui, il se réfugie de plus en plus dans la science pure, et on peut le voir souvent penché sur l'épaule de nos savants ; à chaque explosion nucléaire, son ombre se dresse un peu plus haut sur la terre ; sa ruse préférée consiste à donner à la bêtise une forme géniale et à recruter parmi nous nos grands hommes pour assurer notre propre destruction.

Il y a Merzavska, le dieu des vérités absolues, une espèce de cosaque debout sur des cadavres, la cravache à la main, avec son bonnet de fourrure sur l'œil et son rictus hilare ; celui-la est notre plus vieux seigneur et maître ; il y a si longtemps qu'il préside à notre destin, qu'il est devenu riche et honoré ; chaque fois qu'il torture et opprime au nom des vérités absolues, religieuses, politiques ou morales, la moitié de l'humanité lui lèche les bottes avec attendrissement ; cela l'amuse énormément car elle sait très bien que les vérités absolues n'existent pas, qu'elles ne sont qu'un moyen de nous réduire à la servitude et, en ce moment même, dans l'air opalin de Big Sur, par dessus l'aboiement des phoques, les cris des cormorans, l'écho de son rire triomphant vient vers moi de très loin, et même la voix de mon frère l'océan ne parvient pas à le dominer.

Il y a aussi filoche, le dieu de la petitesse, des préjugés et de la haine - penché hors de sa loge de concierge, à l'entrée du monde habité, en train de crier « Sale américain, sale Arabe, sale Juif, sale Russe, sale Chinois, sale Nègre » - c'est un merveilleux organisateur de mouvement de masse, de guerre, de lynchages, de persécution, habile dialecticien, père de toutes les formations idéologiques, grand inquisiteur et amateur de guerres saintes, malgré son poil galeux, sa tête de hyène et ses petites pattes tordues, c'est un des dieux les plus puissants et les plus écoutés, que l'on trouve toujours dans tous les camps, un des gardiens les plus zélés de notre terre, et qui nous en dispute la possession avec le plus de ruse et d'habileté.

Romain Gary, la Promesse de l'Aube, Big Sur, California, 1971