dimanche 20 juillet 2014

The Unbearable Lightness of Being

If every second of our lives recurs an infinite number of times, we are nailed to eternity as Jesus Christ was nailed to the cross. It is a terrifying prospect. In the world of eternal return the weight of unbearable responsibility lies heavy on every move we make. This is why Nietsche called the idea of eternal return the heaviest of burdens (das schwerste Gewicht).
If eternal return is the heaviest of burdens, then our lives can stand out against it in all their splendid lightness.
But is the heaviness truly deplorable and lightness splendid?
The heaviest of burdens crushes us, we sink beneath it, it pins us to the ground. But in the love poetry of every age, the woman longs to be weighed down by the man's body. The heaviest of burdens is therefore simultaneously an image of life's most intense fulfilment. The heavier the burden, the closer our lives come to the earth, the more real and truthful they become.
Conversely, the absolute absence of a burden causes man to be lighter than air, to soar into the heights, take leave of the earth and his earthly being, and become only half real, his movements as free as they are insignificant.
What then we choose? Weight or lightness?
Parmenides posed this very question in the sixth century before Christ. He saw the world divided into pairs of opposites : light/darkness, fineness/coarness, warmth/cold, being/non-being. One half of the opposition he called positive (light, fineness, warmth, being), the other negative. We might find this division into positive and negative poles childishly simple except for one difficulty: which one is positive: weight or lightness?
Parmenides responded: lightness is positive, weight negative. Was he correct or not? That is the question. The only certainty is the lightness/Weight opposition is the most mysterious, most ambiguous of all.

The Unbearable Lightness of Being, Milan Kundera, 1984

« On n'a jamais l'occasion deux fois de faire une bonne première impression »

C’est en achevant la lecture du récit – haletant – du périple à Saint Jacques de Compostelle de Jean-Christophe Rufin que m’est venue cette expression. Après avoir parcouru 800 kilomètres à pied sur le « Camino del Norte », l’auteur s’emploie à dénigrer la ville, ses touristes et sa grandeur. Santiago détone beaucoup trop avec la modestie des villages parcourus et du chemin. Rufin est désagréablement surpris, Santiago lui a fait une mauvaise première impression.  
En lisant ces mots de Rufin, par contraste et révolte même, l’impression forte, positive et enthousiaste que j’ai eue de ma deuxième arrivée à Santiago resurgissait.  C’était à l’aube. Nous nous étions réveillés tôt, avec mon camarade Mehdi, pour pouvoir être les premiers à recevoir la « Compostella », le Grâle du pèlerin. Nous étions partis de Monte do Gozo, célèbre pour son monument à la gloire de Jean-Paul II et cette auberge aux milliers de lits. Des formes floues, bleu blanc et rose dessinaient le ciel. Nous avions des jambes légères, dans la descente, nous avions totalement oublié la pénible et longue étape de la veille. Nous avons traversé – et même survolé- les faubourgs de la ville, sans être touchés par ces affres urbaines, auxquelles Rufin consacre plusieurs pages. Puis les pavés de la vieille ville, fraîchement rincés à grands coups de jets d’eau, nous conduisent, toujours en descendant, à travers des rues désertes, sous des portes étroites et hautes, vers l’immense place de Santiago. La place est un désert noir, majestueux, beau. Nous restons là. Bientôt, le monde grouille; le soleil fait tambouriner les ors, secouer les crécelles, et claironner les plus hautes gargouilles. Quelle forte impression!

Bologne, Février 2014



lundi 24 février 2014

Walden


Till Gerhard, Walden, 2004

dimanche 16 février 2014

La lecture par Blaise Cendrars

Quelle chose étonnante que la lecture qui abolit le temps, transvase l'espace vertigineux sans pour cela suspendre le souffle, ni ravir la vie au lecteur! On est emporté sur un tapis volant. Le bonnet enchanté de Fortunatus vous coiffe la tête. On se croit invisible, absent, bien qu'étant partout présent, fébrile, ce livre à la main, que l'on dévore, que l'on mange des yeux, comme une opération de magie blanche, pour se nourrir l'esprit.
Et la lecture est en effet une opération magique de la conscience qui révèle une des facultés les plus méconnues de l'homme et qui lui confère un grand pouvoir: la faculté de bilocation et le pouvoir de s'isoler, de s'abstraire, de sortir de sa propre vie sans perdre contact avec la vie, bref de communier avec tout, même quand on ne croit plus à rien.

Blaise Cendrars, l’Égoutier de Londres (nouvelle parue dans Histoires vraies), Paris, 1937