vendredi 27 décembre 2019

Jésus de Nazareth, par Joseph Ratzinger (Benoît XVI)

Introduction
- "Il ne s'est plus jamais levé en Israël un prophète comme Moïse, lui que le Seigneur rencontrait face à face" (Livre du Deutéronome 34,10) .
- Israël peut désormais espérer un nouveau Moïse (...). Le signe particulier de ce "prophète" sera qu'il rencontrera Dieu face à face comme le fait un ami avec un ami.
- Nous devons rappeler ici une autre histoire étrange concernant le rapport de Moïse à Dieu : histoire racontée dans le livre de l'exode. Dieu dit à Moïse: "tu ne pourras pas voir mon visage" (Ex 33,20) "et tu me verras de dos, mais mon visage, personne ne peut le voir" (Ex 33,23)
- Prologue de l'évangile de Jean: "Dieu, personne ne l'a jamais vu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui le conduit à le connaître". (Jn, 1,18). C'est en Jésus que s'accomplit la promesse du nouveau prophète. En lui se réalise pleinement ce qui était resté inachevé en Moïse: il vit devant la face de Dieu, non seulement en qualité d'ami, mais en qualité de fils, il vit dans l'union la plus intime avec le Père.

Le baptême de Jésus 
- C'est ce que signifie le processus du baptême. On y trouve d'un côté une symbolique de la mort: le flot qui anéantit et détruit (..) Mais le cours d'eau est aussi symbole de vie. Il s'agit de purifier, de libérer l'homme de la boue du passé qui pèse sur la vie et qui la défigure; il s'agit d'un nouveau commencement, à savoir: une mort et une résurrection.
- Le baptême est une confession de ses fautes et la tentative de se dépouiller d'une ancienne vie mal vécue, et recevoir une nouvelle. Etait-ce possible pour Jésus? Comment pouvait-il se reconnaître des péchés? Se séparer de la vie antérieure pour en mener une nouvelle?
- Luc, qui prête une grande attention à la prière de Jésus tout au long de son Evangile et qui ne cesse de le représenter en prière quand il parle avec le Père, nous dit que Jésus priait en recevant le baptême. (Luc, 3,21)
- Jésus a pris sur ses épaules le fardeau de la faute de l'humanité entière et l'a porté en descendant dans le Jourdain. Il inaugure sa vie publique en prenant la place des pécheurs. Il l'inaugure en anticipant la croix.
- Une voix venue du ciel retentit, s'adressant à Jésus selon Marc et Luc "Tu es ..", disant de lui selon Saint Matthieu : "Celui-ci est mon Fils bien aimé; en lui j'ai mis tout mon amour" (Mathieu, 3,17)

Les tentations de Jésus



Traduit de l'allemand par Dieter Hornig, Marie-Ange Roy et Dominique Tassel
Cité du Vatican, 2007


lundi 11 mars 2019

Extraits de Charles Péguy dans "Demeure" de François Xavier Bellamy

"Nous aurons beau faire, nous aurons beau faire, ils iront toujours plus vite que nous, ils en feront toujours plus que nous, davantage que nous. Il ne faut qu’un briquet pour brûler une ferme. Il faut, il a fallu des années pour la bâtir. Ça n’est pas difficile ; ça n’est pas malin. Il faut des mois et des mois, il a fallu du travail et du travail pour pousser une moisson. Et il ne faut qu’un briquet pour flamber une moisson. Il faut des années et des années pour faire pousser un homme, il a fallu du pain et du pain pour le nourrir, et du travail et du travail et des travaux et des travaux de toutes sortes. Et il suffit d’un coup pour tuer un homme. Un coup de sabre, et ça y est. Pour faire un bon chrétien il faut que la charrue ait travaillé vingt ans. Pour défaire un chrétien il faut que le sabre travaille une minute. C’est toujours comme ça. C’est dans le genre de la charrue de travailler vingt ans. C’est dans le genre du sabre de travailler une minute ; et d’en faire plus ; d’être le plus fort. D’en finir. Alors nous autres nous serons toujours les moins forts. Nous irons toujours moins vite, nous en ferons toujours moins. Nous sommes le parti de ceux qui construisent. Ils sont le parti de ceux qui démolissent. Nous sommes le parti de la charrue. Ils sont le parti du sabre. Nous serons toujours battus. Ils auront toujours le dessus dessus nous, par dessus nous.
Nous aurons beau dire." 

Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc, Charles Péguy, 1910

Peguy lui-même reproche au système contemporain d'avoir produit, en atomisant les structures sociales, une solitude du travailleur, qui se trouve désormais contraint par des besoins auxquels il doit faire face sans pouvoir s'appuyer sur personne - cet "étranglement économique" du salarié, une "strangulation scientifique froide, rectangulaire, régulière, propre, nette, sans bavure, implacable, sage, commune, constante, (...), où il n'y a rien à dire et où celui qui est étranglé a si évidemment tort"

L'Argent in Œuvres en Prose, Charles Péguy, 1909-1914