samedi 31 octobre 2020

Impressions de Coronavirus - confinement #2

Mardi 15.12.2020 - Jour 275 de la crise de la Covid-19 

Fin du deuxième confinement français. Les sorties au magasins battent leur plein, le couvre-feu est instauré à 20h, les théâtre, cinémas et musées restent fermés. Le monde de la culture est furieux. 

Alors que la France détend les contraintes, les autres pays limitrophes resserrent les boulons: l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Hollande ferment les magasins non essentiels. 

Yoyo de situations, yoyo de restrictions.

Samedi 28.11.2020 - Jour 258 de la crise de la Covid-19

"Expérience singulière qui accompagne l'étonnement d'exister parce que d'autres ont pris soin de nous, depuis l'enfance" Bruno Saintôt, sj - les ressources spirituelles du soin - Revues Etudes, Septembre 2020. 

* Les règles du deuxième confinement changent. L'une d'elle, et pas des moindres: le périmètre d'activité sportive quotidienne et non collective est étendu d'1 km à 20km. Ces règles sont d'applications générales sur tout le territoire, une constante bien jacobine. 
* Les magasins ouvrent tous, c'est la ruée des chevaux dans la ville!  
* De multiples interrogations traversent les citoyens. L'une d'elle: les magasins vont-ils ouvrir le dimanche ? Une autre: pourquoi limiter le nombre de personnes aux messes et aux cultes à 30 personnes?  
* La France frôle la fronde. Un troisième confinement et la majorité des citoyens ne feront plus d'attestations de sortie. 
* Quand ce régime de semi-liberté et de restrictions incomprises finira-il? Un changement est attendu le 15 Décembre 2020, si le nombre de personnes en réanimation pour cause de Covid-19 descend en dessous de 3000 et si le nombre de personnes contaminées descend en dessous de 5000 par jour. Les français seront-ils suffisamment sérieux d'ici cette date?
* La deuxième vague est bien différente de la première. Le pic a été beaucoup moins élevé. La croissance a été beaucoup moins rapide: certainement l'effet des mesures défensives - masques, couvre-feu, télétravail.... Mais la décroissance est beaucoup plus faible: certainement l'effet de mesures insuffisamment drastiques et de non respect des mesures. 
* Si la décroissance se poursuit au même rythme, la durée de la deuxième vague sera de 40 jours, soit une durée très similaire à celle de la première, qui était de 44 jours. ce serait surprenant! Et ma  première estimation s'avérerait plutôt juste, alors qu'elle était basée sur l'hypothèse fausse d'un scénario strictement identique à la première vague.


Lundi 23.11.2020 - Jour 253 de la crise de la Covid-19 

Les arbres se dégarnissant, le vert persiste et nous surprend


Étude de l'hêtre dans une forêt de printemps
Heinrich Butzen Kiel, 1803-1892, Copenhague

Extrait du catalogue sur l'âge d'or de la peinture Danoise - Jean-François Heim - 2012

Mardi 17.11.2020 - Jour 247 de la crise de la Covid-19

Intervention du père Nicolas Buttet sur les crises et la lecture des signes des temps. 

Repartir de ce qui est au coeur de l'attitude de l'intelligence humaine: l'émerveillement. A travers toute cette crise qui peut focaliser notre regard, qui peut produire un biais cognitif qui bloque toute une partie de notre réalité, il faut par une décision de la liberté s'habituer à continuer à s'émerveiller. Emmanuel Kant disait : "deux choses sont sources perpétuelles d'émerveillement c'est le ciel étoilé au dessus de moi et la loi morale au fond de mon coeur " Quelque chose d'extérieur à moi: le visage de l'autre, de l'époux, de l'épouse , du collaborateur, de l'enfant, la création toute entière quand on lève les yeux au dessus de la grisaille. Et puis cette loi morale : quelque chose en moi qui me parle de Dieu, du bien, de l'amour et m'interpelle. Sans émerveillement, nous devons sourd à un certain sublime et cette vrai beauté est là. 

NDLR: quand je m'émerveille devant le ciel étoilé, je vois Dieu, quand je contemple les merveilles du coeur, je vois Jésus. 


Dimanche 01.11.2020 - Jour 231 de la crise de la Covid-19 - fête de tous les saints.

Lors du premier confinement, nous avons été les témoins émerveillés de la naissance des feuilles. Le deuxième confinement nous rend attentif à la chute de ces mêmes feuilles. 

Passons de l'urgent à l'important: Méditation du Pasteur Luc-Olivier Bosset 

(...)Nous planifions et nous nous projetons. Cependant, des circonstances surviennent et en décident autrement.

La pandémie que nous vivons ébranle jusqu’aux fondements de notre vie quotidienne. Elle complique profondément notre organisation sociale. Ce qui était assuré hier ne peut plus l’être aujourd’hui. Dans un tel contexte, notre visibilité est brouillée. Il est devenu difficile de prévoir à moyen et long terme. Cependant, brouillard ou pas, notre mission reste la même : comment aujourd’hui entreprendre pour la maison commune ? Quelles initiatives impulser afin de soutenir les maisons communes que sont notre entreprise, la ville ou la région où nous sommes implantés ?

Au prime abord, le passage biblique tiré du livre de l’Apocalypse semble très loin de cette réalité et de nos questionnements. La grande foule bigarrée proclamant que « le salut est à notre Dieu » ; cette vision de l’agneau qui conduit vers les sources de l’eau vive chacun.e traversant une grande détresse ; tout cela n’est-il pas déconnecté des besoins urgents et criants de notre société actuelle ?

Cependant, si nous tendons l’oreille, un mot dans ce récit capte notre attention, tant il est relié avec un besoin que nous ressentons : c’est le mot « salut ». Alors que cette pandémie ressemble à un jour sans fin, alors que les attentats n’en finissent pas, ne ressentons-nous pas au plus profond de nous-mêmes le besoin de goûter au salut ? Oui, qu’est-ce qui pourra nous sauver de toutes ces crises ?

En creusant l’étymologie grecque de ce mot, nous découvrons que le salut, c’est être mis à l’abri d’un danger. A cela, l’hébreu ajoute la métaphore d’être mis au large. Ainsi, être sauvé, c’est échapper à l’étouffement, c’est recevoir de l’espace nous permettant de respirer amplement. Cette métaphore explique pourquoi dans les psaumes, le verbe "sauver" surgit souvent en opposition au lexique de l’étroitesse.

Dès lors, proclamer « le salut est à notre Dieu », ce n’est pas affirmer que Dieu par un coup de baguette magique viendrait résoudre tous les problèmes. C’est attester que Dieu est celui qui me met au large, celui qui me place dans un état d’esprit où la pression de l’urgence se desserre et où, grâce à ce desserrement, je peux être disponible pour l’important.

De même être sauvé, ce n’est pas être télé-transporté comme par miracle hors des contextes problématiques, mais c’est recevoir un état d’esprit permettant de sortir de l’étroitesse des obsessions, pour envisager les choses à partir d’un vaste et grand horizon. Être sauvé, c’est recevoir d’au-delà de soi les ressources pour passer de l’urgent à l’important.

Sous la pression de l’urgence, l’esprit est troublé. Il ne peut pas identifier les bonnes et justes initiatives permettant d’édifier la maison commune. Pour édifier et entreprendre, ne faut-il pas d'abord que l'étau se desserre ? 

En se prosternant et en rendant louange, honneur et gloire, cette grande foule bigarrée nous montre la voie par laquelle l'étau commence à se desserrer. Au cœur de l’épreuve, prendre un temps de louange et d’adoration, ce n’est pas fuir nos responsabilités, c’est ouvrir la fenêtre pour aérer la pièce ; c’est nous rendre disponible pour recevoir d’au-delà de nous-mêmes un état d’esprit nous permettant de passer de l’urgent à l’important.


                                                                                                        

Samedi 31.10.2020 - Jour 230 de la crise de la Covid-19

Le vendredi 30 Octobre 2020 à minuit, la France entière a été confinée, pour la deuxième fois, jusqu'au 1er Décembre. 
En effet, le couvre-feu instauré le mercredi 14 Octobre 2020 n'a pas fait l'effet escompté. Deux semaines après son entrée en vigueur, 2 fois plus de personnes entrent en service de réanimation (422 vs 193 personnes par jour). Des mesures beaucoup plus fortes devaient être instaurées pour limiter la deuxième vague. 

Jusqu'à quelle date pouvons-nous être raisonnablement confinés? 

Si on regarde les courbes, et les chiffres de réanimation, la France en est au même point que le 26 Mars 2020. Pour baisser de façon significative la première vague, il a fallu être confinés jusqu'au 11 Mai, donc 44 jours après le 26 Mars. En faisant l'analogie, nous pourrions donc se dire qu'il faudra être confinés près de 40 jours. Le déconfinement pourrait être entre le 10 Décembre et le 15 Décembre 2020. 

Cependant ce raisonnement ne prend pas en compte les faits suivants: 
- la montée de la vague en cette fin d'octobre est moins rapide qu'en mars
- en mai, les beaux jours étaient arrivés et les gens sortaient et aéraient les intérieurs. Alors qu'en décembre on sera au coeur de l'hiver, et les intérieurs seront moins aérés
- le gouvernement prendra-t-il le risque de déconfiner juste avant Noël, et permettre ainsi la ruée vers les magasins pour les cadeaux et les fêtes de famille, nécessairement débridées du fait des frustrations de ce deuxième confinement?  










Hagios o theos (Impropères)



Hágios o Theós, Hágios Ischyrós, Hágios Athánatos, eléison himás.
Sanctus Deus, Sanctus Fortis, Sanctus Immortalis, miserere nobis.
O Dieu Saint, O Dieu fort, O Dieu immortel, prends pitié de nous !

1 – O mon peuple que t’ai-je fait ?
En quoi t’ai-je contristé ?
Réponds-moi !

2 – T’ai-je fait sortir du pays d’Égypte,
T’ai-je fait entrer en Terre Promise,
Pour qu’à ton Sauveur,
Tu fasses une Croix ?

3 – T’ai-je guidé quarante ans dans le désert
Et nourri de la manne,
Pour qu’à ton Sauveur,
Tu fasses une Croix ?

4 – Moi, je t’ai planté, ma plus belle vigne,
Et tu n’as eu pour moi que ton amertume
Et du vinaigre pour ma soif !

5 – Moi, j’ai pour toi frappé l’Égypte,
J’ai englouti dans la mer Pharaon et son armée !
Toi tu m’as livré aux grands-prêtres
et les soldats M’ont flagellé !

6 – J’ai ouvert devant toi les eaux de la mer ;
Toi, de ta lance, tu m’as ouvert le cœur !
Je t’ai arraché à l’abîme des eaux
Et tu m’as plongé dans l’abîme de la mort !

7 – Moi, aux eaux vives du Rocher,
je t’ai fait boire le salut ;
Toi, tu me fis boire le fiel,
et tu m’abreuvas de vinaigre !

8 – Devant toi, j’ai fait resplendir ma Gloire,
Dans le buisson ardent et la colonne de nuée ;
Et tu m’as tourné en dérision
et vêtu d’un manteau de pourpre !

9 – Pour toi, j’ai frappé l’Égypte et sa puissance,
J’ai fait de toi mon peuple, un peuple de rois ;
Et tu m’as couronné la tête d’une couronne d’épines !

10 – Moi, Je t’ai exalté par ma toute puissance ;
Toi, tu m’as pendu au gibet de la Croix !
Je t’ai choisi parmi toutes les nations ;
Toi, tu m’as rejeté hors des murs de Jérusalem !


Les Impropères sont un sommet de la célébration du Vendredi Saint. Le mot latin improperium signifie « reproche » : ce sont, de fait, les « reproches » du Christ à son peuple l’ayant rejeté, qui, en échange de toutes les faveurs accordées par Dieu, et en particulier pour l’avoir délivré de la servitude en Égypte et l’avoir conduit sain et sauf dans la Terre promise, lui a infligé les ignominies de la Passion.

C’est au cours de l’adoration de la Croix, juste après les dix-sept oraisons, que ces remontrances étaient exprimées par le chœur dans le rite romain. À chaque fois, un bienfait de Dieu dans l’Exode est mis en contraste avec un épisode de la Passion. Il s’agit moins de reproches que l’expression d’une douleur.
Les Impropères sont chantés en grec Hagios o Theós (Ἅγιος ὁ Θεός), et, en alternance, en latin ou dans la langue locale, et normalement en double chœur, ce qui était une tradition ancienne du rite byzantin.

mardi 29 septembre 2020

Invitation de Saint Ignace à "faire avec calme ce qu'on peut"

 "Il me semble que vous devriez vous résoudre avec calme ce que vous pouvez. 
Ne soyez pas inquiets de tout, mais abandonnez à la divine Providence ce que vous ne pouvez pas accomplir par vous-même."
"Sont agréables à Dieu notre soin et notre sollicitude pour mener à bien les affaires dont nous devons nous occuper par devoir. L'anxiété et l'inquiétude de l'esprit ne plaisent point à Dieu."
"Le Seigneur veut que nos limites et nos faiblesses prennent appui en sa force et en sa toute-puissance; il veut nous voir croire que sa bonté peut suppléer à l'imperfection de nos moyens."
"Ceux qui se chargent d'affaires nombreuses, même avec une intention droite, doivent se résoudre à faire simplement ce qui est en leur pouvoir, sans s'affliger s'ils ne parviennent pas à tout réaliser comme ils le voudraient. A condition toutefois qu'ils aient accompli tout ce que la nature humaine peut et doit faire selon les indications de la conscience."
"Si on doit laisser de côté certaines choses, il faut s'armer de patience, et ne pas penser que Dieu attend de nous ce que nous ne pouvons pas faire: il ne veut pas davantage que l'homme s'afflige de ses limites."
"Pourvu que l'on donne satisfaction à Dieu - ce qui est plus important que de donner satisfaction aux hommes - il n'est pas nécessaire de se fatiguer outre mesure. Bien plus, lorsqu'on s'est efforcé d'agir de son mieux, on peut abandonner tout le reste à celui qui a le pouvoir d'accomplir tout ce qu'il veut."
"Plaise à la divine providence de nous communiquer toujours la lumière de la Sagesse, pour que nous puissions voir clairement et accomplir fermement son bon plaisir, en nous et dans les autres... pour que nous acceptions de sa main ce qu'il nous envoie, en faisant cas de ce qui a le plus d'importance: la patience, l'humilité, l'obéissance et la charité..."
"Que Jésus-Christ soit seulement en nos âmes, avec ses dons spirituels! Amen. "

Saint Ignace de Loyola (1491-1556) - Lettre du 17/11/155

mercredi 2 septembre 2020

L’histoire d’une âme de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face.

Voici quelques passages de l’histoire d’une âme de Sainte Thérèse, qui m’ont interpellé, qui ont « résonné » avec mon âme :

Chapitre V – Après la grâce de Noël (1886-1887)

·     De l’humeur et de la météo: « J’ai remarqué que dans toutes les circonstances graves de ma vie, la nature était à l’image de mon âme. Les jours de larmes, le Ciel pleurait avec moi, les jours de joie, le Soleil envoyait à profusion ses gais rayons et l’azur n’était obscurci d’aucun nuage. »

·     De l’âme des enfants: « En voyant ces âmes innocentes, j’ai compris quel malheur c’était de ne pas bien les former dès leur éveil, alors qu’elles ressemblent à une cire molle sur laquelle on peut déposer l’empreinte des vertus mais aussi celle du mal… j’ai compris ce qu’a dit Jésus en l’Evangile : qu’il vaudrait mieux être jeté à la mer que de scandaliser un seul de ces petits enfants. Ah ! que d’âmes arriveraient à la sainteté si elles étaient bien dirigées. »

·      De l’alliance de Thérèse et de Jésus: « J'étais à l'âge le plus dangereux pour les jeunes filles, mais le bon Dieu a fait pour moi ce que rapporte Ezéchiel dans ses prophéties : « Passant auprès de moi, Jésus a vu que le temps était venu pour moi d'être aimée, Il a fait alliance avec moi et je suis devenue sienne... Il a étendu sur moi son manteau, il m'a lavée dans les parfums précieux, m'a revêtue de robes brodées, me donnant des colliers et des parures sans prix... Il m'a nourrie de la plus pure farine, de miel et d'huile en abondance... alors je suis devenue belle à ses yeux et Il a fait de moi une puissante reine !»

Chapitre VI – Le voyage à Rome (1887)

·     Du nom: « N’ayant jamais vécu parmi le grand monde, Céline et moi nous trouvâmes au milieu de la noblesse qui composait presque exclusivement le pèlerinage. Ah ! Bien loin de nous éblouir, tous ces titres et ces « de » ne nous parurent qu’une fumée … De loin cela m’avait quelquefois jeté un peu de poudre aux yeux, mais de près, j’ai vu que « tout ce qui brille n’est pas or » et j’ai compris cette parole de l’Imitation « Ne poursuivez pas cette ombre qu’on appelle un grand nom, ne désirez ni de nombreuses liaisons, ni l’amitié particulière d’aucun homme ». J’ai compris que la vraie grandeur se trouve dans l’âme et non dans le nom puisque comme le dit Isaïe « le Seigneur donnera un autre nom à ses élus » et Saint Jean dit aussi « que le vainqueur recevra une pierre blanche sur laquelle est écrit un nom nouveau que nul ne connaît que celui qui le reçoit ».

·    De Venise: « Venise n’est pas sans charme, mais je trouve cette ville triste. Le palais des doges est splendide cependant il est triste lui aussi avec ses vastes appartements où s’étalent l’or, le bois, les marbres les plus précieux et les peintures des plus grands maîtres. Depuis longtemps ses voûtes sonores ont cessé d’entendre la voix des gouverneurs qui prononçaient des arrêts de vie et de mort dans les salles que nous avons traversées ». Chapitre VI – Le voyage à Rome (1887)

·      Du recours à Dieu avant le recours aux saints: « Une autre fois je me trouvai à côté de lui (NDLR : Mgr Révérony) en omnibus, il fut encore plus aimable et me promit de faire tout ce qu'il pourrait afin que j'entre au Carmel... Tout en mettant un peu de baume sur mes plaies, ces petites rencontres m'empêchèrent pas le retour d'être beaucoup moins agréable que l'aller, car je n'avais plus l'espoir « du St Père » ; je ne trouvais aucun secours sur la terre qui me paraissait un désert aride et sans eau ; toute mon espérance était dans le Bon Dieu seul... je venais de faire l'expérience qu'il vaut mieux avoir recours à Lui qu'à ses saints... »

·    De l’épreuve de la foi: « Cette épreuve fut bien grande pour ma foi, mais Celui dont le cœur veille pendant son sommeil, me fit comprendre qu'à ceux dont la foi égale un grain de sénevé, il accorde des miracles et fait changer de place les montagnes, afin d'affermir cette foi si petite ; mais pour ses intimes, pour sa Mère, il ne fait pas de miracles avant d'avoir éprouvé leur foi. Ne laissa-t-Il pas mourir Lazare, bien que Marthe et Marie Lui aient fait dire qu'il était malade ?... Aux noces de Cana, la Ste Vierge ayant demandé à Jésus de secourir le Maître de la maison, ne Lui répondit-Il pas que son heure n'était pas encore venue ?... Mais après l'épreuve, quelle récompense ! l'eau se change en vin... Lazare ressuscite !... Ainsi Jésus agit-Il envers sa petite Thérèse : après l'avoir longtemps éprouvée, Il combla tous les désirs de son cœur... »

·      Comme une balle dans les mains de Jésus: « Depuis quelque temps je m'étais offerte à l'Enfant Jésus pour être son petit jouet, je Lui avais dit de ne pas se servir de moi comme d'un jouet de prix que les enfants se contentent de regarder sans oser y toucher, mais comme d'une petite balle de nulle valeur qu'il pouvait jeter à terre, pousser du pied, percer, laisser dans un coin ou bien presser sur son coeur si cela Lui faisait plaisir ; en un mot, je voulais amuser le petit Jésus, lui faire plaisir, je voulais me livrer à ses caprices enfantins... Il avait exaucé ma prière... A Rome Jésus perça son petit jouet, Il voulait voir ce qu'il y avait dedans et puis l'ayant vu, content de sa découverte, Il laissa tomber sa petite balle et s'endormit... Que fit-Il pendant son doux sommeil et que devint la petite balle abandonnée ?... Jésus rêva qu'il s'amusait encore avec son jouet, le laissant et le prenant tour à tour, et puis qu'après l'avoir fait rouler bien loin Il le pressait sur son coeur, ne permettant plus qu'Il s'éloigne jamais de sa petite main... » […]

« J'avais trouvé dans ma chambre, au milieu d'un charmant bassin, un petit navire qui portait le petit Jésus dormant avec une petite balle auprès de Lui, sur la voile blanche Céline avait écrit ces mots : « Je dors mais mon cœur veille » et sur le vaisseau ce seul mot : « Abandon! » Ah ! si Jésus ne parlait pas encore à sa petite fiancée, si toujours ses yeux divins restaient fermés, du moins, Il se révélait à elle par le moyen d'âmes comprenant toutes les délicatesses de l'amour de son coeur... »

Chapitre VII – Premières années au Carmel (1888-1890)

·      De la prière pour les prêtres: « Pendant un mois j'ai vécu avec beaucoup de saints prêtres et j'ai vu que, si leur sublime dignité les élève au-dessus des anges, ils n'en sont pas moins des hommes faibles et fragiles... Si de saints prêtres que Jésus appelle dans son Evangile : « Le sel de la terre» montrent dans leur conduite qu'ils ont un extrême besoin de prières, que faut-il dire de ceux qui sont tièdes ? Jésus n'a-t-il pas dit encore : « Si le sel vient à s'affadir, avec quoi l'assaisonnera-t-on? » O ma Mère ! qu'elle est belle la vocation ayant pour but de conserver le sel destiné aux âmes ! Cette vocation est celle du Carmel, puisque l'unique fin de nos prières et de nos sacrifices est d'être l'apôtre des apôtres, priant pour eux pendant qu'ils évangélisent les âmes par leurs paroles et surtout par leurs exemples. » […] Ce que je venais faire au Carmel, je l'ai déclaré aux pieds de Jésus-Hostie, dans l'examen qui précéda ma profession : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ».

Chapitre VIII – De la profession à l’offrande à l’amour (1890-1895)

·    De la nourriture spirituelle et de Jésus caché au fond du cœur: « J'ai remarqué bien des fois que Jésus ne veut pas me donner de provisions, il me nourrit à chaque instant d'une nourriture toute nouvelle, je la trouve en moi sans savoir comment elle y est... Je crois tout simplement que c'est Jésus Lui-même caché au fond de mon pauvre petit coeur qui me fait la grâce d'agir en moi et me fait penser tout ce qu'Il veut que je fasse au moment présent. »

·       Du faire-part des noces de Sainte Thérèse avec Jésus:

Lettre d'Invitation aux Noces de sœur Thérèse de l'Enfant Jésus de la Sainte Face.

o   Le Dieu Tout-Puissant, Créateur du Ciel et de la terre, Souverain Dominateur du Monde et la Très glorieuse Vierge Marie, Reine de la Cour céleste, veulent bien vous faire part du Mariage de leur Auguste Fils, Jésus, Roi des Rois et Seigneur des seigneurs, avec Mademoiselle Thérèse Martin, maintenant Dame et Princesse des royaumes apportés en dot par son Divin Époux, savoir : L'Enfance de Jésus et sa Passion, ses titres de noblesse étant : de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face.

o   Monsieur Louis Martin, Propriétaire et Maître des Seigneuries de la Souffrance et de l'Humiliation et Madame Martin, Princesse et Dame d'Honneur de la Cour Céleste, veulent bien vous faire part du Mariage de leur Fille Thérèse, avec Jésus le Verbe de Dieu, seconde Personne de l'Adorable Trinité qui par l'opération du Saint Esprit s'est fait Homme et Fils de Marie, la Reine des Cieux.

Chapitre X – L’épreuve de la foi (1897)

·       Il ne faut jamais juger:

« Oui je le sens, lorsque je suis charitable, c'est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j'aime toutes mes sœurs. Lorsque je veux augmenter en moi cet amour, lorsque surtout le démon essaie de me mettre devant les yeux de l'âme les défauts de telle ou telle sœur qui m'est moins sympathique, je m'empresse de rechercher ses vertus, ses bons désirs, je me dis que si je l'ai vue tomber une fois elle peut bien avoir remporté un grand nombre de victoires qu'elle cache par humilité, et que même ce qui me paraît une faute peut très bien être à cause de l'intention un acte de vertu.

Je n'ai pas de peine à me le persuader, car j'ai fait un jour une petite expérience qui m'a prouvé qu'il ne faut jamais juger. - C'était pendant une récréation, la portière sonne deux coups, il fallait ouvrir la grande porte des ouvriers pour faire entrer des arbres destinés à la crèche. La récréation n'était pas gaie, car vous n'étiez pas là, ma Mère chérie, aussi je pensais que si l'on m'envoyait servir de tierce, je serai bien contente ; justement mère Sous-Prieure me dit d'aller en servir, ou bien la sœur qui se trouvait à côté de moi ; aussitôt je commence à défaire notre tablier, mais assez doucement pour que ma compagne ait quitté le sien avant moi, car je pensais lui faire plaisir en la laissant être tierce. La sœur qui remplaçait la dépositaire nous regardait en riant et voyant que je m'étais levée la dernière, elle me dit : « Ah! j'avais bien pensé que ce n'était pas vous qui alliez gagner une perle à votre couronne, vous alliez trop lentement... » Bien certainement toute la communauté crut que j'avais agi par nature et je ne saurais dire combien une aussi petite chose me fit de bien à l'âme et me rendit indulgente pour les faiblesses des autres. Cela m'empêche aussi d'avoir de la vanité lorsque je suis jugée favorablement car je me dis ceci : Puisqu'on prend mes petits actes de vertus pour des imperfections, on peut tout aussi bien se tromper en prenant pour vertu ce qui n'est qu'imperfection. Alors je dis avec St Paul : Je me mets fort peu en peine d'être jugé par aucun tribunal humain. Je ne me juge pas moi-même, Celui qui me juge c'est LE SEIGNEUR. Aussi pour me rendre ce jugement favorable, ou plutôt afin de n'être pas jugée du tout, je veux toujours avoir des pensées charitables car Jésus a dit : Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés. »

·         Quand l’autre semble désagréable:

« Il se trouve dans la communauté une sœur qui a le talent de me déplaire en toutes choses, ses manières, ses paroles, son caractère me semblaient très désagréables. Cependant c'est une sainte religieuse qui doit être très agréable au bon Dieu, aussi ne voulant pas céder à l'antipathie naturelle que j'éprouvais, je me suis dit que la charité ne devait pas consister dans les sentiments, mais dans les œuvres ; alors je me suis appliquée à faire pour cette sœur ce que j'aurais fait pour la personne que j'aime le plus. A chaque fois que je la rencontrais je priais le bon Dieu pour elle, Lui offrant toutes ses vertus et ses mérites. Je sentais bien que cela faisait plaisir à Jésus, car il n'est pas d'artiste qui n'aime à recevoir des louanges de ses œuvres et Jésus, l'Artiste des âmes, est heureux lorsqu'on ne s'arrête pas à l'extérieur mais que, pénétrant jusqu'au sanctuaire intime qu'il s'est choisi pour demeure, on en admire la beauté. Je ne me contentais pas de prier beaucoup pour la sœur qui me donnait tant de combats, je tâchais de lui rendre tous les services possibles et quand j'avais la tentation de lui répondre d'une façon désagréable, je me contentais de lui faire mon plus aimable sourire et je tâchais de détourner la conversation, car il est dit dans l'Imitation : Il vaut mieux laisser chacun dans son sentiment que de s'arrêter à contester. »

Chapitre XI – Ceux que vous m’avez donnés (1896-1897)

·        Sainte Thérèse, un pinceau de Jésus:

« Ma Mère bien-aimée, je suis un petit pinceau que Jésus a choisi pour peindre son image dans les âmes que vous m'avez confiée. Un artiste ne se sert pas que d'un pinceau, il lui en faut au moins deux ; le premier est le plus utile, c'est avec lui qu'il donne les teintes générales, qu'il couvre complètement la toile en très peu de temps, l'autre, plus petit, lui sert pour les détails. Ma Mère, c'est vous qui me représentez le précieux pinceau que la main [de] Jésus saisit avec amour lorsqu'Il veut faire un grand travail dans l'âme de vos enfants, et moi je suis le tout petit dont Il daigne se servir ensuite pour les moindres détails »

·        De la différence des âmes:

« J'ai vu d'abord que toutes les âmes ont à peu près les mêmes combats, mais qu'elles sont si différentes d'un autre côté que je n'ai pas de peine à comprendre ce que disait le Père Pichon : «Il y a bien plus de différence entre les âmes qu'il n'y en a entre les visages.» Aussi est-il impossible d'agir avec toutes de la même manière ».

·        De la direction des âmes:

« Avec certaines âmes, je sens qu'il faut me faire petite, ne point craindre de m'humilier en avouant mes combats, mes défaites ; voyant que j'ai les mêmes faiblesses qu'elles, mes petites sœurs m'avouent à leur tour les fautes qu'elles se reprochent et se réjouissent que je les comprenne par expérience. Avec d'autres j'ai vu qu'il faut au contraire pour leur faire du bien, avoir beaucoup de fermeté et ne jamais revenir sur une chose dite. S'abaisser ne serait point alors de l'humilité, mais de la faiblesse. »

·       De la force de la prière dans les échanges:

« Oui mais... je m'aperçois vite qu'il ne faut pas trop s'avancer, un mot pourrait détruire le bel édifice construit dans les larmes. Si j'ai le malheur de dire une parole qui semble atténuer ce que j'ai dit la veille, je vois ma petite sœur essayer de se raccrocher aux branches, alors je fais intérieurement une petite prière et la vérité triomphe toujours. Ah ! c'est la prière, c'est le sacrifice qui font toute ma force, ce sont les armes invincibles que Jésus m'a données, elles peuvent bien plus que les paroles toucher les âmes, j'en ai fait bien souvent l'expérience. »

·       De la prière:

« Pour moi, la prière, c'est un élan du coeur, c'est un simple regard jeté vers le Ciel, c'est un cri de reconnaissance et d'amour au sein de l'épreuve comme au sein de la joie ; enfin c'est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l'âme et m'unit à Jésus. »

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, 1895


mardi 14 juillet 2020

De la critique

 Mardi 14.07.2020 - jour 121 de la crise de la covid-19


La critique est-elle une toxine de tout corps social ?

Quand une personne rencontre une opinion qui critique ce qu'elle pense ou ce qu'elle croit, la différence est révélée, une peur latente surgit, l'incompréhension s'installe, un retranchement s'opère.

 

La critique mal formulée accentue la peur de la différence. Celle-ci incite les personnes à s'insèrer naturellement dans des communautés de personnes qui leur ressemblent, par leur couleur de peau, par leurs opinions, par leurs religions, par leur mode de vie...


La confrontation qui se joue dans la critique peut rester dans le domaine positif de la compréhension mutuelle et de l'opposition courtoise des arguments, ou pencher vers le reproche, le dénigrement voir le mépris d'autrui.

La critique est bonne quand elle rétablit la vérité, instruit, élève, éduque.
Elle est bonne quand elle est exprimée avec finesse et dans le respect de l'originalité de l'autre.
Elle est dégradée quand elle est prononcée sous un ton accusateur ou culpabilisant. 

Elle devient toxique, quand elle attaque pour déstabiliser et faire chuter. 


Cette mauvaise critique est si répandue dans notre monde de la rapidité, qu'elle entretient la peur de la différence.

Sachons discerner et prendre notre temps pour cultiver la bonne critique!



Lundi 13.07.2020 - jour 120 de la crise de la covid 19

Le reproche peut-être désagréable, mais il est indispensable. 

Il est comme la douleur pour le corps humain : 

Il attire l’attention sur ce qui ne va pas.

Un chargé de TD de droit des sociétés dont on ne donnera que son prénom « Gabriel » oui, je me permet Monsieur car vous n’avez pas lu une de mes copies que vous disiez « trop mal écrite » !

Mais là Monsieur, vous allez devoir m’écouter !

Mais ce souci d’écriture est le même pour tous.

Nous nous devons d’être lisible pour aider le correcteur. 

Or, si je n’avais pas eu cette critique je ne m’en serais pas rendu compte. 

Alors, il faut avoir le courage de marquer ses opinions et de ne pas se dire timide.

Notre Prince Charles avait dit au Sieur Larché qui avait un parkinson avancé de trouver un remède efficace. Et il l’a trouvé !

Il a fait face à cette critique qu’on peut qualifier d’irrésistible, d’imprévisible et d’extérieure. 

Elle nous permet d’avoir une opinion car :

Avoir une opinion, c’est croire : non seulement adhérer à une idée, mais se fier à elle pour agir. 

Les opinions de chaque individu expriment son être même, c'est-à-dire le sentiment qu’il a de son identité et de sa valeur.

Si l’on admet que certaines opinions menacent l’ordre public, la paix civile ou le progrès des sciences n’est-il pas nécessaire de critiquer les opinions intolérantes et fanatiques au nom même du principe de tolérance ?

La nécessité ce cette critique est présente dans l’intérêt de tous.

Critiquer, c’est apprécier l’authenticité d’une chose de la valeur d’un texte ; C’est un peu comme quand vous faites votre CV, vous demandez plusieurs relectures avant de le transmettre à celui qui sera peut-être votre futur employeur.

Critiquer, c’est analyser une œuvre littéraire ou artistique, c’est donner un jugement sur un film par exemple sur « qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ». Mais nul n’est toujours d’accord et cela donne lieu à débats.

Critiquer l’autre, c’est aussi l’aider pour le remettre dans le droit chemin, c’est un enseignement, c’est aussi éduquer.

Et grâce à cela vous progresserez, vous acquérierez des certitudes nécessaire dont vous aurez absolument besoin pour réussir : elles seront essentielles, obligatoires, indispensables.

Celui qui ne supporte pas la critique et part bouder, celui-ci ne progressera pas.

En effet, 20 fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse, et le repolissez. Ajouter quelquefois, et souvent effacer.

Vous avez sûrement souvent entendu cette maxime : La critique est aisée mais l’art est difficile.

C’est un peu comme quand vous faîtes une dissertation en droit constitutionnel et que vous vous perdez dans les détails et à l’arrivée vous vous trouvez avec un 4/20 car votre travail ne se trouve pas dans le sujet……et que vous avez malheureusement oublié quel président de la République venait après Poincarré !

Oui, vous serez très mécontent quand on vous rendra votre copie, oui vous aurez envie de donner une bonne claque à votre professeur

Mais il ne faut pas oublier que vous êtes encore l’élève et qu’un jour peut-être vous deviendrez le maître et là vous pourrez mettre toute votre énergie à critiquer celui qui est votre prochain et qui un jour peut-être deviendra un grand juriste, comme eux, grâce à la confiance que vous lui avez donné en critiquant assidument ses premiers devoirs.

Voilà pourquoi il existe des heures de TD en Droit : c’est long, on regarde sa montre, on en a marre mais sans ces longues heures difficiles on ne serait pas cantonné à faire des plans en deux parties, deux sous-parties comme tous juristes.

N’est-ce pas en soi critiquable ?

Et on dirait encore que la Cour de cassation est un troisième degré de juridiction !

Et le jour où vous deviendrez avocat près la Cour de cassation, Docteur en Droit et agrégé de Droit Fiscal, vous vous souviendrez de toutes les critiques qui ont été nécessaires à votre réussite.

Le plus important est de tolérer ces critiques pour s’améliorer. C’est la période de l’apprentissage pour acquérir le bon geste et ensuite l’exécuter.

L’écoute attentive des opinions des autres et leur questionnement est une condition première de la tolérance d’autrui.

La personne a alors une capacité d’autonomie qu’exige le dialogue critique avec les autres.

Critiquer les autres, c’est d’abord se critiquer soi-même en essayant de trouver le mot juste en s’y reprenant plusieurs fois sur un brouillon.

Toi qui a doublé ta première année de Droit… Cela est peut-être dû à ton manque d’esprit critique que tu n’avais pu acquérir étant trop jeune juriste.

Je vous dis ca comme vous, en tant que piètre juriste

C’est pour cela aussi que nous allons entendre notre ami Oscar de Moucheron à la négative avant nous aussi de nous faire critiquer

 

Même si ce n’est pas moi qui l’ai inventé, ni Sad mais le Maître de Platon alors « Critique-moi, tu me fais du bien ».

 

R. Concours d'Eloquence, 2014



jeudi 21 mai 2020

Mythe de Philémon et Baucis

 

Jeudi 21.05.2020 - jour 67 de la crise de la covid-19

Le mythe antique de Philémon et Baucis, narré dans la fable de la Fontaine, nous instruit sur la simplicité de la vie de couple:

Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux ;
Ces deux Divinités n'accordent à nos vœux

Que des biens peu certains, qu'un plaisir peu tranquille,

Des soucis dévorans c'est l'éternel asile,

Véritables Vautours que le fils de Japet

Représente enchaîné sur son triste sommet.

L'humble toit est exempt d'un tribut si funeste ;

Le Sage y vit en paix, et méprise le reste.

Content de ces douceurs, errant parmi les bois,

Il regarde à ses pieds les favoris des Rois ;

Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environne,

Que la Fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne.

Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour,

Rien ne trouble sa fin, c'est le soir d'un beau jour.

Philémon et Baucis nous en offrent l'exemple,

Tous deux virent changer leur Cabane en un Temple.

Hyménée et l'Amour par des désirs constants,

Avaient uni leurs cœurs dès leur plus doux Printemps :

Ni le temps, ni l'hymen s'éteignirent leur flamme ;

Cloton prenait plaisir à filer cette trame.

Ils surent cultiver, sans se voir assistés,

Leur enclos et leur champ par deux fois vingt Étés.

Eux seuls ils composaient toute leur République :

Heureux de ne devoir à pas un domestique

Le plaisir ou le gré des soins qu'ils se rendaient.

Tout vieillit : sur leur front les rides s'étendaient ;

L'amitié modéra leurs feux sans les détruire.

Et par des traits d'amour sut encor se produire.

Ils habitaient un Bourg, plein de gens dont le cœur

Joignait aux duretés un sentiment moqueur.

Jupiter résolut d'abolir cette engeance.

Il part avec son fils le Dieu de l'Éloquence ;

Tous deux en Pèlerins vont visiter ces lieux :

Mille logis y sont, un seul ne s'ouvre aux Dieux.

Prêts enfin à quitter un séjour si profane,

Ils virent à l'écart une étroite cabane,

Demeure hospitalière, humble et chaste maison.

Mercure frappe, on ouvre ; aussi-tôt Philémon

Vient au-devant des Dieux, et leur tient ce langage :

Vous me semblez tous deux fatigués du voyage ;

Reposez-vous. Usez du peu que nous avons ;

L'aide des Dieux a fait que nous le conservons :

Usez-en ; saluez ces Pénates d'argile :

Jamais le Ciel ne fut aux humains si facile,

Que quand Jupiter même était de simple bois ;

Depuis qu'on l'a fait d'or il est sourd à nos voix.

Baucis, ne tardez point, faites tiédir cette onde ;

Encor que le pouvoir au désir ne réponde,

Nos Hôtes agréront les soins qui leur sont dus.

Quelques restes de feu sous la cendre épandus

D'un souffle haletant par Baucis s'allumèrent ;

Des branches de bois sec aussi-tôt s'enflammèrent.

L'onde tiède, on lava les pieds des Voyageurs.

Philémon les pria d'excuser ces longueurs :

Et pour tromper l'ennui d'une attente importune

Il entretint les Dieux, non point sur la fortune,

Sur ses jeux, sur la pompe et la grandeur des Rois,

Mais sur ce que les champs, les vergers et les bois

Ont de plus innocent, de plus doux, de plus rare ;

Cependant par Baucis le festin se prépare.

La table où l'on servit le champêtre repas,

Fut d'ais non façonnés à l'aide du compas ;

Encore assure-t-on, si l'histoire en est crue,

Qu'en un de ses supports le temps l'avait rompue.

Baucis en égala les appuis chancelans

Du débris d'un vieux vase, autre injure des ans.

Un tapis tout usé couvrit deux escabelles :

Il ne servait pourtant qu'aux fêtes solennelles.

Le linge orné de fleurs fut couvert pour tous mets

D'un peu de lait, de fruits, et des dons de Cérès.

Les divins Voyageurs altérés de leur course,

Mêlaient au vin grossier le cristal d'une source.

Plus le vase versait, moins il s'allait vidant.

Philémon reconnut ce miracle évident ;

Baucis n'en fit pas moins : tous deux s'agenouillèrent ;

À ce signe d'abord leurs yeux se dessillèrent.

Jupiter leur parut avec ces noirs sourcils

Qui font trembler les Cieux sur leurs Pôles assis.

Grand Dieu, dit Philémon, excusez notre faute.

Quels humains auraient cru recevoir un tel Hôte ?

Ces mets, nous l'avouons, sont peu délicieux,

Mais quand nous serions Rois, que donner à des Dieux ?

C'est le cœur qui fait tout ; que la terre et que l'onde

Apprêtent un repas pour les Maîtres du monde,

Ils lui préféreront les seuls présents du cœur.

Baucis sort à ces mots pour réparer l'erreur ;

Dans le verger courait une perdrix privée,

Et par de tendres soins dès l'enfance élevée :

Elle en veut faire un mets, et la poursuit en vain ;

La volatile échappe à sa tremblante main ;

Entre les pieds des Dieux elle cherche un asile :

Ce recours à l'oiseau ne fut pas inutile ;

Jupiter intercède. Et déjà les vallons

Voyaient l'ombre en croissant tomber du haut des monts.

Les Dieux sortent enfin, et font sortir leurs Hôtes.

De ce Bourg, dit Jupin, je veux punir les fautes ;

Suivez-nous : Toi, Mercure, appelle les vapeurs.

Ô gens durs, vous n'ouvrez vos logis ni vos cœurs.

Il dit : Et les Autans troublent déjà la plaine.

Nos deux Époux suivaient, ne marchant qu'avec peine.

Un appui de roseau soulageait leurs vieux ans.

Moitié secours des Dieux, moitié peur se hâtant,

Sur un mont assez proche enfin ils arrivèrent.

À leurs pieds aussi-tôt cent nuages crevèrent.

Des ministres du Dieu les escadrons flottans

Entraînèrent sans choix animaux, habitants,

Arbres, maisons, vergers, toute cette demeure ;

Sans vestige du Bourg, tout disparut sur l'heure.

Les vieillards déploraient ces sévères destins.

Les animaux périr ! car encor les humains,

Tous avaient dû tomber sous les célestes armes ;

Baucis en répandit en secret quelques larmes.

Cependant l'humble Toit devient Temple, et ses murs

Changent leur frêle enduit aux marbres les plus durs.

De pilastres massifs les cloisons revêtues

En moins de deux instants s'élèvent jusqu'aux nues,

Le chaume devient or ; tout brille en ce pourpris ;

Tous ces événements sont peints sur le lambris.

Loin, bien loin les tableaux de Zeuxis et d'Apelle,

Ceux-ci furent tracés d'une main immortelle.

Nos deux Époux surpris, étonnés, confondus,

Se crurent par miracle en l'Olympe rendus.

Vous comblez, dirent-ils, vos moindres créatures ;

Aurions-nous bien le cœur et les mains assez pures

Pour présider ici sur les honneurs divins,

Et Prêtres vous offrir les vœux des Pèlerins ?

Jupiter exauça leur prière innocente.

Hélas ! dit Philémon, si votre main puissante

Voulait favoriser jusqu'au bout deux mortels,

Ensemble nous mourrions en servant vos Autels ;

Cloton ferait d'un coup ce double sacrifice,

D'autres mains nous rendraient un vain et triste office :

Je ne pleurerais point celle-ci, ni ses yeux

Ne troubleraient non plus de leurs larmes ces lieux.

Jupiter à ce vœu fut encor favorable :

Mais oserai-je dire un fait presque incroyable ?

Un jour qu'assis tous deux dans le sacré parvis,

Ils contaient cette histoire aux Pèlerins ravis,

La troupe à l'entour d'eux debout prêtait l'oreille.

Philémon leur disait : Ce lieu plein de merveille

N'a pas toujours servi de Temple aux Immortels.

Un Bourg était autour ennemi des Autels,

Gens barbares, gens durs, habitacle d'impies ;

Du céleste courroux tous furent les hosties ;

Il ne resta que nous d'un si triste débris :

Vous en verrez tantôt la suite en nos lambris.

Jupiter l'y peignit. En contant ces Annales

Philémon regardait Baucis par intervalles ;

Elle devenait arbre, et lui tendait les bras ;

Il veut lui tendre aussi les siens, et ne peut pas.

Il veut parler l'écorce a sa langue pressée ;

L'un et l'autre se dit adieu de la pensée ;

Le corps n'est tantôt plus que feuillage et que bois.

D'étonnement la Troupe, ainsi qu'eux perd la voix ;

Même instant, même sort à leur fin les entraîne ;

Baucis devient Tilleul, Philémon devient Chêne.

On les va voir encore, afin de mériter

Les douceurs qu'en hymen Amour leur fit goûter.

Ils courbent sous le poids des offrandes sans nombre.

Pour peu que des Époux séjournent sous leur ombre,

Ils s'aiment jusqu'au bout, malgré l'effort des ans.

Ah si !.... mais autre-part j'ai porté mes présents.

Célébrons seulement cette Métamorphose.

Des fidèles témoins m'ayant conté la chose,

Clio me conseilla de l'étendre en ces Vers,

Qui pourront quelque jour l'apprendre à l'Univers.

Quelque jour on verra chez les Races futures,

Sous l'appui d'un grand nom passer ces Aventures.

Vendôme, consentez au los que j'en attends ;

Faites-moi triompher de l'Envie et du Temps.

Enchaînez ces démons, que sur nous ils n'attentent,

Ennemis des Héros et de ceux qui les chantent.

Je voudrais pouvoir dire en un style assez haut

Qu'ayant mille vertus, vous n'avez nul défaut.

Toutes les célébrer serait œuvre infinie :

L'entreprise demande un plus vaste génie ;

Car quel mérite enfin ne vous fait estimer ?

Sans parler de celui qui force à vous aimer ;

Vous joignez à ces dons l'amour des beaux Ouvrages,

Vous y joignez un goût plus sûr que nos suffrages ;

Don du Ciel, qui peut seul tenir lieu des présents

Que nous font à regret le travail et les ans.

Peu de gens élevés, peu d'autres encor même,

Font voir par ces faveurs que Jupiter les aime.

Si quelque enfant des Dieux les possède, c'est vous ;

Je l'ose dans ces Vers soutenir devant tous :

Clio sur son giron, à l'exemple d'Homère,

Vient de les retoucher attentive à vous plaire :

On dit qu'elle et ses Sœurs, par l'ordre d'Apollon,

Transportent dans Anet tout le sacré Vallon ;

Je le crois. Puissions-nous chanter sous les ombrages

Des arbres dont ce lieu va border ses rivages !

Puissent-ils tout d'un coup élever leurs sourcils !

Comme on vit autrefois Philémon et Baucis.



Jean de la Fontaine, Les Fables du livre XII (1694)