Partons de cette réflexion d’Henry Kissinger, grand diplomate américain - qui n’est pas connu par sa grande spiritualité mais plutôt pour la puissance de sa pensée et son réalisme froid - à propos des conséquences de l’intelligence artificielle sur la politique, dans deux articles de la revue “Atlantic”, cité par Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis dans son livre récent “le diplomate du siècle”
“l'ère de l’informatique a d’abord amené le règne de l’information aux dépens de la réflexion. Les faits submergent le décideur, qui d’une part, n’a ni le temps de la réflexion, ni l’option du silence, de l’attente et du long terme et qui d’autre part, ne plus, physiquement et intellectuellement les trier et les hiérarchiser. Trop d’information tue l’information mais en appelle encore toujours plus. Jamais on en a su autant, jamais on n’en a compris si peu. Dans ce contexte, l’émotion et le consensus tiennent lieu d’une réflexion, dont nul n’a plus le temps. Le risque est alors grand que face, à cet océan de faits, ne s’impose progressivement la tyrannie des algorithmes pour les traiter et l’expulsion volontaire de l’homme de la définition de son propre destin.
“Il n’est pas besoin de tout savoir pour tout comprendre. les questions qui se posent à l’homme depuis la nuit des temps n’on pas changé sur le fond, même si elles se présentent de manière drastiquement différente” Il faut savoir résister à la tyrannie de l’instant .
Cette réflexion soulève des questions pour l'homme et le chrétien:
Quelle conscience avons-nous de l’influence des algorithmes sur notre liberté ?
Comment exercer notre liberté de chrétien face aux opportunités et aux tyrannies de l’IA ?
Conscience de l’influence des algorithmes
- Face positive des algorithmes qui aident l’homme: à se déplacer (GPS), à communiquer (internet), à ne pas mourir bêtement d’un accident de la route (les feu rouges, les radars, les voitures autonomes…), à ne pas être aliéné par un métier abrutissant (robots), à retrouver une autonomie (cf le pilotage par la pensée d'un exosquelette pour les tétraplégiques), à décider (data permettant d’orienter la stratégie de lutte contre une pandémie), à guérir l’homme (tout le champs de l’informatique et de la robotique médicale)...
- Face sombre des algorithmes;
- immédiateté, attentes de réactivité qui donne l’impression d’une accélération du temps
- influence subliminale et non consciente qui impacte la liberté de l’homme
i.e les cookies qui jouent un rôle dans nos décisions: suggestion de voyages en avion pour des prix ridiculement bas, qui poussent à décider par pulsion un voyage non forcément souhaité (proportion importante des réservations de vols)Algorithmes de manipulation politique: (cf l’affaire de Cambridge analytica qui exploitait les données privées de Facebook pour influencer les intentions de votes - en particulier pour influencer l’opinion publique en faveur du Brexit)
- Syndrome du Saint Thomas Inversé, induit par les algorithmes de suivi sur internet et l'avalanche d'information qui nous ramènent toujours et encore à nos "bulles communautaires", nos centres d'intérêts et à nos croyances. Nous sommes amenés à ne voir que ce que nous croyons (et non pas comme St Thomas à ne croire ce que nous voyons)
- Amenuisement du contact humain (outils de télétravail sur utilisés, remplacement de la personne par son avatar numériques, usines 100% robotisées)
- Perte du lien avec la réalité (addiction aux jeux virtuels, univers parallèles, métaverse , cryptomonnaie...)
- Dépendances/addiction aux machines (dépendance au smartphone)
- Risque de cyberattaques fatales, que devient notre entreprise si elle perd son système informatique?
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Comment exercer notre liberté de chrétien face aux opportunités et aux tyrannies de l’IA ?
- Le guide des EDC “ la spiritualité d’un homme d’action nous éclaire sur ce qu’est notre liberté de chrétien :
La liberté devrait être la marque spécifique du chrétien. « Si vous me demandez pourquoi je suis chrétien, disait le Père Varillon, je vous répondrai : j’ai choisi l’Évangile comme éducateur de liberté. » Or la liberté évangélique n’est pas caprice ou fantaisie, elle n’est pas soumission à l’instinct, licence ou abandon à la facilité. « C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage », écrit Paul aux Galates (Ga 5, 1). « La liberté, écrit encore le Père Varillon, ne consiste pas à faire ce que l’on veut, mais à vouloir ce que l’on fait, c’est-à-dire à assumer la responsabilité de ses actes. Un homme n’est authentiquement un homme que lorsqu’il assume la responsabilité de sa vie. » L’homme libre sait où il va et veut ce qu’il fait
Dieu n’est jamais plus présent à nous même que dans le processus de décision où l’on cherche à faire la volonté de Dieu, c’est à dire à se comporter en homme libre.
La volonté de Dieu n’est pas le diktat d’un maître lointain. Elle se révèle peu à peu à celui qui sait écouter, dans le silence, sa voix venue du plus profond.
La réflexion, la prière, la lecture attentive de la Parole de Dieu et la relecture de notre vie sont des exercices comme le sont la marche, la natation et le saut à la perche. Faire retraite à l’école d’Ignace signifie acquérir une certaine discipline intérieure, qui permet de devenir un homme libre.
Chercher à décider librement pour faire la volonté de Dieu revient à venir faire habiter Dieu dans son coeur : Maurice Zundel L’Evangile intérieur p. 18
"Parce qu’il est Amour, Dieu veut habiter le cœur de l’homme. Ou comme le dit saint Augustin, le plus intime du plus intime du cœur. Mais il n’entre pas dans l’intime de la personne par effraction, car l’Amour respecte la liberté. Comme il est dit dans l’Apocalypse (3, 20): «Voici que je me tiens à la porte et que je frappe. Si tu entends ma voix et ouvres la porte, j’entrerai chez toi et je partagerai le repas avec toi». Quelle humilité de Dieu! La demeure par excellence de Dieu, c’est donc le cœur de l’homme. C’est plus important que les églises de pierre, même si elles sont des lieux très concrets où l’on peut découvrir de visage de Celui qui frappe à la porte du cœur."
-> l’homme ne change pas, exercer sa liberté de chrétien dans les décisions est une discipline à vocation universelle qui existait avant l’IA et qui on l’espère - survivra à l’IA
- Il convient donc de discerner le rôle des algorithmes dans nos processus de décisions libres
Est-ce qu’ils nous poussent à décider plus vite ?
Comment influencent-ils la décision personnelle? comment pouvons nous couper de cette influence ?
quel est le raisonnement qui sous-tend l’algorithme? quelles sont ses conséquences pour l’entourage, pour les plus faibles ?
Dans notre entourage, dans notre entreprise, qui sont les gagnants de l’IA, qui sont les perdants de l’IA ? Si nous sommes du côté des gagnants, comment pouvons-nous contribuer à "repêcher les perdants”?
Comment pouvons nous investir, voir nous engager pour soit
faire acte de résistance face à une IA néfaste
ou faire advenir une IA respectueuse de nos valeurs chrétiennes , une IA instrument du Royaume, i.e respectueuse de l’homme, de son intériorité, qui ralentisse le temps, qui aille à l’essentiel, qui invite à la réflexion, qui éclaire simplement la décision ?
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